jeudi 22 novembre 2012

De nombreuses erreurs dans l'évaluation des coûts



Rappelons que l’ABC repose sur le « principe » de la décomposition des opérations de l’organisation en activités les plus fines possibles pour analyser les coûts. Il est évident que plus la décomposition sera fine, plus la répartition des consommations de ressources entre activités sera sujette à erreurs. Il s’agit de ce que les comptables appellent une erreur d’imputation analytique ou d’une erreur de mesure selon Datar et Gupta (1994).

La méthodologie d’affectation des consommations de ressources le plus souvent employée induit également des erreurs de mesure. Les ressources sont réparties en fonction de l’estimation des temps passés par le personnel à l’exécution de chacune de ses activités. Ces temps sont généralement estimés au moyen de questionnaires et entretiens (deuxième colonne de l’exemple développé dans le Tableau 1). Ces estimations sont non seulement sujettes à des erreurs mais en plus elles sont figées dans le temps, sauf à envisager une coûteuse actualisation.

Type d’erreur
Description
Mesure
Elle résulte de la difficulté pratique d’identifier les coûts d’une activité ou de mesurer les unités de ressources consommées par les objets de coûts. Elles correspondent soit à une erreur de saisie dans les comptes (tel montant de charges est attribué par erreur au compte B plutôt qu’au compte A), soit à une erreur sur l’estimation du niveau de l’inducteur (exemple : une secrétaire estime qu’elle passe 20% de son temps à accueillir la clientèle alors, qu’en réalité, elle y consacre 40%).
Spécification
Elle provient de l’oubli d’un inducteur, de l’emploi d’un mauvais inducteur ou du recours à une relation fausse entre le coût de l’activité et son inducteur.
Agrégation
Elle se produit quand le coût agrège des ressources qui sont consommées par les objets de coûts dans des proportions différentes (problème de l’homogénéité du coût).
Imputation des charges fixes
Elle survient lors d’une sous-utilisation des capacités productives.
Les types d’erreur dans l’évaluation des coûts (adapté de Datar et Gupta, 1994)

Il ne s’agit pas de passer en revue ici tous les types d’erreur induits par l’ABC mais seulement de mettre l’accent sur les erreurs induites par les spécificités de la méthode.

L’erreur d’imputation des charges fixes mérite d’être développée, le Time-Driven ABC étant une solution pour la réduire. Robert Kaplan et Anderson (2004) s’étonnent, de manière faussement naïve, que lorsque l’on interroge des personnels sur la répartition de leur temps de travail entre leurs différentes activités, le total représente toujours 100%. Cela signifie que les temps « non travaillés » sont affectés à des activités, ce qui vient augmenter leur coût. Encore plus simplement, lorsque des coûts sont évalués avec l’ABC, le coût de la sous-activité n’est jamais mis en exergue. Ce coût est par conséquent affecté aux objets de coûts, ce qui représente une erreur supplémentaire.

La complexité du modèle, les difficultés d’actualisation et l’ampleur des erreurs sont d’autant plus importantes que l’organisation est grande et que l’on souhaite implanter le modèle ABC dans toute celle-ci. Pour réduire ces difficultés, les utilisateurs construisent souvent des modèles séparés pour chacun de leurs sites ou le limitent à un groupe de produits ou à un canal de distribution. L’inconvénient est alors la quasi-impossibilité d’avoir une vision des résultats des couples produits/marchés transversaux. Il s’agit d’une des causes à l’origine des abandons de l’ABC relatés dans la littérature. Pour répondre à ces faiblesses, Robert Kaplan et Anderson ont développé une nouvelle approche de l’ABC.

Bibliographie



Datar, Srikant, et Mahendra Gupta. «Aggregation, Specification and Measurement Errors in Product Costing.» Accounting Review 69, n° 4 (October 1994): 567-591.
Kaplan, R., & Anderson, S. (2004, November). Time-Driven Activity-Based Costing. Harvard Business Review , 131-138.